Une femme de 40 ans, mère d’une enfant très perturbée, consulte son médecin. Elle lui explique que pendant plusieurs années elle a été elle-même abusée sexuellement par sa mère. Le médecin lui répond "ne soyez pas bête, les mères n’abusent pas sexuellement les enfants. Ne vous laissez pas emporter par votre imagination ».
Depuis de nombreuses années, les médecins et les médias ne se sont penchés que sur les abus des filles par les hommes. Et à force d’en entendre parler de cette façon, il nous est devenu évident qu’il ne peut en être autrement. On commence seulement à intégrer la notion qu’un enfant garçon puisse être abusé par un homme. Des études dans les pays anglo-saxons estiment aujourd’hui que le ratio fille/garçon ne serait si éloigné (50%/40 %).
Mais l’idée qu’un enfant puisse être abusé par une femme n’a pas encore fait son chemin dans les esprits.
Il ne s’agit pas diminuer le problème des enfants abusés par les hommes, mais de prendre en compte une autre facette de cette problématique.
Si l’idée n’a pas fait son chemin cela n’autorise pas la parole des victimes. Et lorsqu’elles prennent la parole elles ne sont pas crues, même par les professionnels la plupart du temps.
Les agressions sexuelles sur enfant par les femmes reste un sujet tabou parce que :
- cela fait peur car cela remet en cause la relation des femmes aux enfants, les femmes étant considérées uniquement comme des figures maternelles.
- les femmes ne sont pas supposées être agressives sexuellement et les théories sur la « domination » masculine les élimine d’office comme éventuels agresseurs.
- il est difficile de se représenter comment une femme peut abuser sexuellement un enfant.
- les victimes d’abus par les femmes sont accusées de fantasmer. Si l’abus par les hommes –et plus particulièrement par le père- n’est jamais remis en doute, cela n’est pas le cas de l’abus par les femmes, surtout par la mère.
- Les statistiques actuelles indiquent que l’abus par les femmes est rares (5% des abus sur les filles et 20% des abus sur les garçons). Mais les statistiques ne sont basées que sur les témoignages des victimes, qui parlent peu et ne sont pas crues.
La première conference sur les abus sexuels par les femmes s’est tenue en 1992. 1000 témoignages téléphoniques avaient alors été reçus sur la ligne téléphonique mise à disposition. 90 % des témoins étaient des femmes et elles n’en n’avaient jamais parlé à personne. Le fait de mettre le problème en exergue finira sans doute par remettre en cause notre perception du rôle des femmes dans les abus sur enfants. Peut être cela confirmera-t-il aussi que ces cas sont rares.
Les victimes des abus par les femmes présentent les mêmes troubles que les autres victimes d’abus : propension aux toxiques, vies destructurées, tentatives de suicide, difficultés aux relations sociales, colère/honte/culpabilité, automutilations, troubles de comportements alimentaires (anorexie/boulimie), dépression, attaques de panique, agoraphobie, peur de toucher leurs propres enfants…
On pourrait bien sur se dire que si les femmes abusent sexuellement un enfant, cela ne peut être que sur demande ou sous l’influence d’un homme. Cela est parfois le cas, c’est vrai. Mais les trois quarts des hommes et femmes abusés disent que l’abuseuse agissait seule et sans présence masculine.
Quelles femmes abusent des enfants ?
Les femmes abusées disent que leur abuseuse était dans 85 % du temps une personne de la famille. Lorsqu’il y a abuseurs, a mère est impliquée dans 95 % des cas lorsqu’il s’agit d’un « couple » homme/femme (l’homme pouvant être le père, le beau-mère, un frère), dans 100 % des cas lorsqu’il s’agit d’un « couple » femme/femme (l’autre femme peut être la grand-mère, une tante). Lorsque la femme qui abuse agit seule il s’agit de la mère dans 62 % des cas, de la grand-mère pour 7%, de la belle-mère pour 7 %, de la baby-sitter dans 13 % et pour le pourcentage restant cela se répartit entre une tante, une sœur, une enseignante.
Les hommes victimes précisent que dans 82 % des cas la femme abuseuse faisait partie de la famille. Lorsque la femme qui abuse agit seule, il s’agit de la mère à 96 % et de la belle-mère pour 4 %. Si il y avait deux agresseurs, la mère était impliquée dans 45 % des cas avec une sœur, un grand-père ou un autre homme, et la baby-sitter (33%) avec des amis de la famille.
Les types d’abus rapportés sont : attouchements génitaux, sexe oral, pénétration par des objets, masturbation réciproque forcée, relations sexuelles, abus sexuels conjoints avec coups…
83 % des femmes abusées qui peuvent se souvenir disent que les abus démarrent avant l’âge de 5 ans, 16% entre 5 et 10 ans, 1 % entre 10 et 15 ans.
55 % des hommes abusés disent que les abus ont commencé avant l’âge de 5 ans, 35 % entre 5 et 10 ans, 10 % entre 10 et 15 ans.
Les victimes disent que ces abus ont affectés leur vie.
Ce n’est d’autant moins étonnant qu’ils ne trouvent pas d’aide. Le fait de ne pas être entendus et crus est très déstructurant.
Certains diront qu’on ne devrait pas tant parler de ces cas clairsemés. Mais en parle t’on tant que cela ? 20 études en 20 ans est-ce si énorme ?
Mais il est effrayant de se dire que peut être des centaines de personnes n’ont jamais parler de leur problématique, souffrent et indirectement font souffrir leurs proches, et attendent enfin leur temps pour parler.